jeudi 13 janvier 2011

1903


















Au hasard d'une flânerie, dans une galerie proche de l'hôtel des ventes de Drouot, je suis entré chez un marchand de cartes postales.

Ces gens sont très méticuleux, un peu comme leurs cousins, les philatélistes : toutes les cartes étaient classées par communes et départements, en ordre alphabétique.

J'ai trouvé une belle carte, qui représente ma maison en 1903. "Comment ! Elle existe encore ?", s'est exclamé le marchand après que je lui ai payé la carte.

Qui sont les gens devant, assis dans le jardin ? J'espère qu'ils ont passé une bonne journée... Les parterres sont encore là. La maison est la même, avec ses chaînages de brique et son balcon. L'allée qui longe le côté droit de la bâtisse est devenue un escalier. La grille a été changée. Après tout, c'était il y a plus d'un siècle. C'était une maison de vacances. On y est toujours aussi bien.

mardi 1 juin 2010

Féra du lac d'Annecy

Photo prise à la Pirraz, à Talloires, dans les années 1920 ou 1930.
Mon grand père aimait beaucoup pêcher dans le lac d'Annecy, qu'il connaissait
comme sa poche. Fonds compris. "Jette ta ligne entre le bleu et le vert, juste là, c'est là ou se trouvent tous les poissons, sur le rebord", me disait-il lorsque je l'accompagnait. Comme je faisais tout le contraire, il soupirait en me disant : "Écoute à 80 ans d'expérience, tu verras, j'ai raison".
Je n'ai jamais pris de poisson avec grand-père, mais lui se débrouillait immanquablement bien.

lundi 14 décembre 2009

Une autre croisière


Jeunes mariés, au milieu des années 1930 : mes grands parents américains, pendant leur lune de miel. La photo est prise sur la coursive d'un paquebot.

Irving est joueur de baseball professionnel. Il va bientôt rentrer dans les affaires familiales, fatigué par les insultes raciales qu'il essuie lorsqu'il lance des balles - il est "pitcher" - sur les terrains de jeu. Gertrude aime les arts, l'extrême orient et les voyages. Elle aime rire, aussi.

Tous deux sont des américains de seconde génération. Ce sont leurs parents qui ont émigré, d'Europe centrale. Sous le fouet de l'escorte cosaque, ils ont marché à travers les steppes. Ils ont traversé l'océan pour trouver une vie meilleure. Celle du rêve américain.

Le père d'Irving, Georges, est venu de Roumanie.

Le père de Gertrude, Max, a embarqué à Odessa à l'âge de 4 ans. Ses parents, ses quinze frères et sœurs et lui venaient de Lituanie.

Ils ont débarqué à Ellis Island en 1905. La statue de la Liberté leur souriait.

Enfant, Max poussait une voiturette dans les rues de New-York pour récupérer des débris métalliques. Quand il est mort, en 1961, il possédait une trentaine de casses entre Chicago et New York. Il avait envoyé son fils aîné à Harvard.

Un instant en Amérique

A la fin des années 1940, dans une petite ville de la côte est des États-Unis, un jeune père pose avec ses deux enfants.

La petite fille est très belle, on lui répète souvent, peut être trop ? Elle vivra à Paris, plus tard, où elle épousera un français.

Le petit garçon deviendra ingénieur, inventant le ciment le plus dur du monde (pour quelques mois). Il déménagera 36 fois au cours de sa carrière. Elle n'est pas encore finie.

Ancien joueur de baseball professionnel, le père est bel homme, grand et assez peu loquace. Il connaîtra des moments de grande prospérité et des fins mois très difficiles. Cadillac cabriolet crème ou petite Datsun d'occasion; maison surplombant de ses grandes terrasses la ville ou petit appartement triste. Mais les aléas ne changeaient pas son sourire, toujours lumineux. Le seul jour de sa vie où il se soit jamais découragé fut son dernier. Une crise de découragement a emporté ce batailleur.

dimanche 13 décembre 2009

La vieille dame devant la vieille maison

Cette vieille dame avait toujours un chat qui se frottait à ses jambes. Ce chat, invariablement siamois, était remplacé au fil des décennies. Ou bien il était immortel.

Car toujours droite comme un "i", réservée mais au caractère bien trempé, cette dame a vécu longtemps debout, presque cent ans.

Madeleine, c'est son prénom, avait fui avec sa famille son Alsace natale, envahie par les Prussiens en 1870. A Grenoble où ils se sont installés, elle rencontra son futur mari : un médecin, ancien officier de marine, tout comme le père de Madeleine.

Pendant la dernière guerre, celle que certains surnommaient "la patronne" (avec un mélange d'affection et de respect) avait connue son heure de gloire.

La voici, telle que rapportée par un de ses petits-fils :

"Au début de 1942, le village servait de base de repos pour les soldats allemands. ces derniers ne manquaient pas cependant, de s'entraîner en "jouant à la petite guerre", généralement à 14:00, soit l'heure sacrée de la sieste de grand-mère. Un jour, les soldats choisissent les prés derrière la maison pour mener leurs manœuvres. Hurlements, rafales d'armes automatiques et éclatements de grenade : le grand jeu...

Réveillé en sursaut, la patronne se précipite sur la galerie et et, apercevant un sous-officier, l'apostrophe en allemand : "En voilà des manières! Allez vous-en, et vite !" Éberlué, le sous-officier regarde cette vieille dame, visiblement mécontente, avec son chapeau en bataille et son tour de cou en velours noir. Le soldat siffle sa troupe et disparaît avec elle, sans plus de façons. "

Madeleine avait remporté la bataille du village. Le lendemain, un officier est venu présenter des excuses. Grand soulagement dans la famille, qui s'attendait plutôt à un ordre de réquisition.

J'ai découvert cette photo dans un album à la reliure déchirée : elle m'a immédiatement fait penser à cette anecdote. Elle a dû se produire trois ou quatre ans après que la photo ait été prise.